CITOYENNETÉ DES PEUPLES AUTOCHTONES:Lueur d’espoir pour l’obtention d’ actes de naissance
Réunies à Kribi du 27 au 30 Mars dans le cadre d’une plateforme dénommée
Gbabandi, les populations Baka, Bedzan, Bakola, et Bagyelie du Sud et de l’Est
ont échangé sur le renforcement des
moyens et stratégies permettant une large acquisition d’état civil et de carte
d’identité.
Par Lazare Kingue
A Bipindi et Lokoundje, deux contrées du
département de l’Océan dans la région du Sud, les problèmes rencontrés par les
peuples autochtones Bagyelie sont légion. Nombreux sont liés au
foncier. « Nous souffrons d’expropriation. Nous n’avons pratiquement
pas un habitat fixe pour le fait que l’Etat nous a sortis de nos forêts pour la
ville et les bantous nous chassent de la ville pour nos forêts ». déclare
Louanga Ndong Marceline, Bagyeli de Bipindi. Mais les plus cruciaux sont
l’accès à la citoyenneté. « Le plus difficile de tous c’est les
problèmes d’acte de naissance et de carte nationale d’identité. Nos enfants
n’en ont pas et ne peuvent se présenter à un examen officiel pour ceux qui sont
scolarisés. Nous mêmes nous n’en avons pas ; par conséquent on ne peut se
faire établir de pièce d’identité. C’est dommage » ! Se lamente cette
mère d’enfants. Beaucoup sont dans une situation pareille. Ils se comptent par
dizaines de milliers dans la région du Sud et celle de l’Est Cameroun. Si dans
le Sud les arrondissements de Bipindi et Lokoundje, sont les plus concernés, à
l’Est c’est les localités de Moloundou et Salapoumbé dans le département de la
Boumba et Ngoko qui en pâtissent.
Pourtant, il ya
trois ans environ, ces différentes communautés réunies dans le cadre d’une
plateforme active depuis 2016 et dénommée Gbabandi, ont bénéficié d’un
accompagnement à travers le projet Navigateur Autochtone ( N.A). L’objectif était de faciliter les parents
dans l’établissement d’actes de naissance pour leurs enfants âgés de 6 mois à
15 ans. 500 enfants en ont bénéficié dans les deux zones pilotes. «
Mais c’était insuffisant vu que nos enfants dans les deux départements se
comptent par milliers » indique la coordonnatrice de la plateforme
Gbabandi. Cette activité a suscité une plus grande demande dépassant l’objectif
du projet N. A. « Compte tenu de ces observations, le consortium des
donateurs occidentaux, le Forest People Programme (Fpp) et Gbabandi se sont
concertés pour une possible deuxième phase afin d’élargir l’accompagnement à
d’autres bénéficiaires, enfants, jeunes et adultes, tous nécessiteux des Cni et
actes de naissance » a fait savoir un membre de cette organisation courant
Mars 2023.
C’est pour la
mise en œuvre de cette phase 2 du projet N.A qu’une vingtaine de délégués de
Gbabandi se sont réunis à Kribi dans le
chef-lieu du département de l’Océan (Sud-Cameroun) du lundi 27 au jeudi 30 mars dernier afin de réviser les statuts
de la plateforme et organiser le comité de pilotage. « Nous nous sommes donc réunis en prélude au
lancement des activités de la phase 2 de ce projet. Il était question de bien
le présenter aux membres, de réfléchir sur sa gestion durable et le
renforcement de notre autonomie » informe Aurélien Timothée Emini. Cet
expert sur les questions de citoyenneté, désigné facilitateur par l’Assemblée
Générale mesure bien la responsabilité de sa mission. « C’est un
honneur pour moi d’être désigné par les 14 membres de la plateforme comme
facilitateur. Je suis conscient des enjeux et surtout des attentes dans mes
lourdes responsabilités. Conduire une plate forme c’est aussi savoir
collaborer, être à l’écoute, et se mettre au niveau des autres » réagit-il
au sortir de la rencontre. Le nouveau facilitateur a par ailleurs indiqué
qu’il va falloir travailler durement pour hisser très haut cette vitrine
représentative des peuples autochtones des forêts du Cameroun. « Nous
avons notre espace et tous ceux qui voudront véritablement travailler
directement avec les peuples autochtones des forêts du Cameroun n’auront plus
d’excuses car nous sommes assez organisés maintenant » se résout Timothée
Emini.
La rencontre des
acteurs de Gbabandi était également le
lieu pour eux de faire un suivi de l’établissement des actes d’état civil sur
la base des jugements supplétifs auprès des tribunaux de Kribi. Car il faut
bien le mentionner, la procédure traine depuis 2 ans dans ces tribunaux alors
que toutes les exigences ont été remplies par les responsables du
projet. « Il ya comme une volonté des magistrats de Kribi et le
greffier en chef de bloquer l’accès à la citoyenneté des peuples autochtones.
La commission des droits de l’homme devrait se pencher sur cette affaire »
a alors réagit, visiblement déçu, un acteur de la société civile de la ville
balnéaire. Notons qu’après cette Assemblée Générale tenue dans le chef lieu du département
de l’Océan, les activités liées à la phase 2 devraient être lancées dans les
prochaines semaines dans l’une des zones cibles du projet. Elles tombent à
point nommé, au moment où la population des peuples autochtones Baka, Bedzan,
Bakola, et Bagyelie du Sud et de l’Est, connait un boom démographique
remarquable, mais demeure « des Hommes-fantômes » dans la mesure où
ces personnes pour la plupart ne sont classifiées dans aucun registre civil
parce que n’étant pas détentrices d’un document leur conférant des droits à la
citoyenneté.
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